Catalogne : Un an après l’échec du référendum pour l’indépendance, la situation des indépendantistes remise en question
Le 28 Septembre 2018, de lourds affrontements sont survenus dans les rues de Catalogne entre indépendantistes catalans et forces de l’ordre. Ces affrontements font suite à la célébration des un an du référendum pour l’indépendance qu’avait organisé l’ancien président du parlement catalan, et maintenant fugitif, Carles Puidgemont. Ils prouvent que de fortes tensions existent toujours entre les indépendantistes et le gouvernement espagnol qui continue à refuser fermement la sécession de la Catalogne.
La Catalogne est une des 17 régions espagnoles se situant au nord-est de L’Espagne à la frontière de la France basque. Elle compte environ 7,5 millions d’habitants et possède sa propre langue, le catalan, sa propre force de police, les Mossos d’Esquadra, et son propre gouvernement installé dans sa capitale Barcelone. En soi, la Catalogne est une région très autonome et les raisons économiques sont au centre de son désir d’indépendance. En effet, la Catalogne est très dynamique et représente pas moins de 20% du PIB (Produit Intérieure Brut) espagnol. La Catalogne, n’ayant pas la main mise sur ses impôts, se sent parfois escroquée par l’Espagne qui pour certains indépendantistes taxe trop la région. Ce sentiment d’injustice s’est particulièrement développé après la crise économique espagnole de 2008 qui sévit toujours. Les indépendantistes ont la certitude que l’Espagne ralentit la croissance économique de leur région en leur taxant trop d’impôts. Ils sont donc persuadés que la Catalogne pourrait très bien exister, économiquement parlant, et s’en sortirait même mieux, sans l’aide de l’Espagne.
La seconde raison est d’ordre politique. Au début des années 2000, la gauche était au pouvoir en Espagne et avait accepté de transférer certains pouvoirs du gouvernement aux Catalans dans le but de rendre la région plus autonome. Cette émancipation progressive s’est alors arrêtée quand la droite est revenue au pouvoir. En effet, le parti populaire et conservateur fait barrage contre l’émancipation catalane en, entres autres, refusant que la Catalogne soit considérée comme une nation. De plus, elle refuse que le catalan ait plus de place dans les écoles que la langue espagnole. Ces décisions ont servi de bascule dans la relance du mouvement indépendantiste catalan. Ce mouvement a vu son apogée le 1er Octobre 2017 lors d’un référendum organisé par le gouvernement catalan et son président Carles Puidgemont pour la sécession de la Catalogne avec l’Espagne.
Sans surprise, le « oui » remporta largement les débats avec près de 90% de « oui » pour la sécession. Néanmoins, le référendum n’a pas eu l’effet escompté par le gouvernement car seulement 2,3 millions de votes ont été enregistrés sur 5,3 millions d’électeurs soit moins de la moitié. Cette participation fut décrite comme trop faible notamment pour une décision de cette importance. Ce premier échec fut suivie par une seconde désillusion encore plus importante, l’interdiction du référendum par Madrid. En effet, en plus de ne pas prendre en compte les résultats, le gouvernement espagnol décréta ce référendum illégal et ordonna la fermeture des bureaux de vote par les forces de l’ordre. Cette décision entraina de nombreuses violences entre forces de l’ordre et indépendantistes.
Manifestations à Barcelone pour l’indépendance de la Catalogne
Ainsi, le référendum mit définitivement fin aux relations amicales entre Madrid et Barcelone. Malgré la pression du gouvernement espagnol, le gouvernement catalan déclara son indépendance à la suite de la victoire du oui. Refusant catégoriquement la sécession de la Catalogne, Mariano Rajoy, ancien président du parlement ordonna la mise sous tutelle de la région, la dissolution du parlement catalan et la suspension de la déclaration d’indépendance catalane. Ces décisions ont fait l’effet d’une bombe en Catalogne, passant de la victoire à l’échec tant Mariano Rajoy venait de détruire tout ce qui avait été construit jusqu’à présent. Le référendum, jugé illégale, obligea Carlos Puidgemont à fuir le pays et à se réfugier en Belgique. En outre, 13 dirigeants indépendantistes furent inculpés. Malgré l’échec cuisant du référendum, les indépendantistes remportent tout de même la majorité au parlement catalan et Quim Torra, un fier indépendantiste est choisi pour être le nouveau président de la région Catalane.
Quelques minutes avant les affrontements entre les forces de l’ordre et les indépendantistes à la suite de l’arrestation de l’ex président Carles Puidgemont le 25 Mars 2018 en Allemagne, LLUIS GENE/AFP.
Tout ceci nous mène un an plus tard, à la fête nationale catalane, « Diada », durant laquelle pas moins d’un million d’indépendantistes ont manifesté leur amour de la Catalogne et leur désir de quitter l’Espagne et de devenir indépendant. Les affrontements du 28 septembre 2018 entre indépendantistes et forces de l’ordre ont ranimé les tensions entre le gouvernement et les indépendantistes. Elles ont montré que le gouvernement conservateur espagnol était toujours réticent à l’idée de l’indépendance catalane. Ces manifestations et affrontements ont aussi montré la détermination des indépendantistes qui sont prêts à tout pour atteindre leur but. Lors des manifestations, les indépendantistes se sont ralliés derrière un simple slogan « las calles serán siempre nuestras » (« Les Rues sont toujours à nous ») qui appelle à l’unité. Malgré le refus de Madrid d’accepter la Catalogne comme une nation, elle reste une région autonome qui contrôle toujours son futur et qu’il sera difficile à Madrid de les faire vaciller.
Néanmoins, quelques tensions ont vu le jour à l’intérieur des indépendantistes. Les violences entre certains indépendantistes et forces de l’ordre soulignent certaines divisions au sein des militants séparatistes. En effet, les plus radicaux comme les CDR (Comités de Defensa de la República) reprochent au gouvernement régional de ne pas être assez violent et d’avoir peur de braver l’autorité de l’Etat espagnol. Quim Torra, pourtant indépendantiste pur et dur, souhaite en effet atteindre l’indépendance de manière démocratique à travers les urnes et accords avec Madrid. Les radicaux pensent que le seul moyen d’atteindre l’indépendance est en passant outre les lois et l’autorité de l’Etat espagnol c’est-à-dire en reprenant la Catalogne de force et ce même si il faut passer par la violence et des affrontements. Ces deux visions de la sécession font l’objet de conflit chez les indépendantistes.
La situation des indépendantistes est au point mort car l’Espagne ne veut toujours pas entendre parler d’indépendance et des tensions internes au mouvement indépendantistes commencent à voir le jour. Néanmoins, les Catalans gardent l’espoir d’une sécession comme le montre le président du parti populaire catalan. Dans une interview pour ABC España, Xavier García Albiol a suggéré que si l’Espagne n’agissait pas et qu’elle restait trop éloignée de la Catalogne politiquement et économiquement parlant, la région deviendrait indépendante dans les 15 prochaines années que l’Espagne le veuille ou non: le temps devrait être un atout plus qu’un problème.
Edited by Salomé Moatti