Élections Vénézuéliennes 2024 : Défis Démocratiques et Interférences Électorales
Au Venezuela, la démocratie élective, dans laquelle les citoyens votent pour élire leurs représentants au sein des institutions gouvernementales, est compromise par la nomination de partisans du gouvernement dans tous les postes à responsabilité. De plus, elle se trouve amplement compromise par l’implication de la Cour suprême vénézuélienne, qui exerce une répression sur les partis politiques opposés au gouvernement. La situation vénézuélienne souligne le contrôle du pouvoir de l’exécutif sur le judiciaire, portant ainsi atteinte au caractère électif du système démocratique.
L’ évolution historique de la politique au Vénézuéla
Pour saisir les enjeux de la démocratie électorale au Venezuela, une analyse approfondie de l’évolution historique de son système démocratique s’impose, caractérisée par des périodes de crise et d’impasse.
En 1958, l’élection de Rómulo Betancourt marque le début d’une période de gouvernements démocratiques sans interruption. Dans les années 1960 et 1970, le Venezuela se distingue par son calme exceptionnel, s’éloignant de la vague de dictatures qui touchait l’Amérique Latine.
En unifiant les classes défavorisées Hugo Chávez remporte les élections au Venezuela en 1998. Son gouvernement, s’inspirant de la « révolution bolivarienne », est critiqué pour sa trop grande concentration de pouvoir, le non-respect des droits humains, et notamment la prise de contrôle de la Cour suprême en 1999, ou encore les restrictions imposées sur la liberté de la presse.
Nicolas Maduro, au pouvoir depuis la mort de Hugo Chávez en 2013, a gouverné de manière autoritaire dans un contexte de crise économique et humanitaire sans précédent, marquée par la chute des prix du pétrole, la corruption, et l’inflation.
Les élections présidentielles de 2018, réélisant Nicolás Maduro ont été vivement qualifiées de falsifiées notamment par le « Groupe de Lima », composé de 14 nations allant du Canada au Brésil. De nombreux pays en Amérique latine et en Europe ont reconnu un « gouvernement intérimaire » dirigé par Juan Guaidó en janvier 2019. Malgré une pression diplomatique internationale forte, le gouvernement Maduro perdure.
L’élection présidentielle de 2024
Le 6 novembre 2023, Maduro a lancé sa campagne « Con Maduro + » pour un troisième mandat en janvier 2025. L’élection présidentielle à venir est cruciale, offrant aux Vénézuéliens la possibilité de rétablir des élections justes, des libertés fondamentales et d’institutionnaliser la démocratie.
Le 17 octobre, à la Barbade, une réunion entre l’opposition et le gouvernement de Maduro, issue des négociations préliminaires entre le Venezuela et les États-Unis et constitue un signe prometteur pour la démocratie. En effet, les deux parties ont convenu de la tenue d’une élection présidentielle libre et multipartite, ainsi que de l’invitation de missions d’observation électorale internationales.
Bien que Maduro ait accepté en principe que l’opposition choisisse son candidat pour l’élection présidentielle de 2024, les inquiétudes persistent en raison des antécédents de rétorsion, de l’inéligibilité de Maria Corina Machado, et des violations d’accords, soulignant le risque d’avoir, une fois de plus, des élections non démocratiques.
Or, un challenger politique au Venezuela peut-il vraiment sortir le pays du chaos?
Malgré une opposition fragmentée, la campagne de Maria Corina Machado, candidate libérale anti-chaviste, pourrait renverser Nicolás Maduro lors des élections.
Cependant, les manifestations de fevrier 2023, demandant au gouvernement actuel des salaires plus élevés, ou encore la grève nationale de mars 2023 soulignent les défis économiques et sociaux persistants au Venezuela après huit ans de récession, avec un salaire minimum stagnant à 5,06 euros par heure. Cette situation entraîne une dépolitisation de l’électorat et un discrédit des candidats, chavistes ou anti-chavistes, aboutissant à l’appel important d’un boycot des élections 2024.
La suspension inattendue des élections primaires au Venezuela, et ses implications sur le chemin vers la démocratie
Lors des primaires de l’opposition en octobre, les électeurs ont surpassé les attentes des analystes en atteignant plus de 2,4 millions de votants, comparé aux élections présidentielles de 2018 où sur les 20 millions d’inscrits, seulement 9 millions ont exprimé leur vote.
Dans une élection équitable, María Corina Machado pourrait surpasser Maduro, estiment-ils. Cependant, depuis juin 2023, elle a été interdite de fonction publique pour 15 ans, selon le contrôleur général. Cette interdiction n’impacte pas sa participation aux primaires, organisées sans soutien étatique, mais l’empêche de s’inscrire pour le vote présidentiel, privant ainsi les Vénézuéliens de droits politiques fondamentaux.
Malgré l’accord de Barbade quelques mois plus tôt, garantissant des élections libres, la Cour suprême du Venezuela a suspendu les résultats, mettant en pause la victoire écrasante de María Corina Machado qui avait recueilli 93% des voix. Les organisateurs des primaires font face à des poursuites judiciaires pour fraude et usurpation d’autorité, les accusant d’avoir manipulé les chiffres. L’implication de la Cour suprême reflète le lien étroit entre les branches exécutive et judiciaire.
La décision prise par la Cour suprême renforce une dubitation populaire: les elections de 2024 paraissent vaines, et le vote, une perte de temps, ainsi accentuant le taux de boycott et la division de l’opposition. De plus, elle remet en question l’engagement du gouvernement envers l’accord de Barbade et la séparation des pouvoirs, soulignant la nécessité d’observateurs pour garantir ces promesses à la communauté internationale.
Le rôle de la communaute internationale dans la promotion de la démocratie
La promotion de la démocratie au Venezuela est au centre des préoccupations de la communauté internationale. Les États-Unis ont donné jusqu’à fin novembre 2023 au gouvernement pour rétablir les droits des candidats de l’opposition. Une proposition d’accord de reconstruction du secteur pétrolier entre les deux pays est également sur la table, offrant une levée progressive de certaines sanctions en échange de garanties démocratiques concrètes durant les prochaines élections.
Depuis 2021, l’UE a mis en place un groupe de contact et une mission d’observation électorale, afin d’engager le dialogue gouvernement-opposition et de promouvoir la démocratie. Les restrictions de voyage et les gels d’actifs de l’UE contre les responsables vénézuéliens impliqués dans des violations des droits de l’homme complètent ces mesures. Cette approche offre une alternative à la politique coercitive basée sur la pression menée par les États-Unis.
Une mission électorale internationale, impliquant plusieurs gouvernements latino-américains dont la Colombie et le Brésil, à deployée une mission d’observation régionale au Venezuela, afin de garantir que Caracas prenne des mesures pour des élections véritablement multipartites. Cette mission electorale pourrait offrir une solution durable garnatissant des élections libres. Cependant, les rivalités entre l’Union des nations sud-américaines (Unasur) et l’Organisations des Etats américains (OEA) ont entravé la possibilité de réponses communes face à la crise vénézuélienne.
La décision de l’Unasur d’envoyer ses propres observateurs aux élections en Amérique du Sud témoigne de la méfiance envers Washington. Elle remet en question le rôle de l’OEA, notamment influencé par les États-Unis, soulignant la volonté des pays sud-américains de s’affirmer en tant que région autonome.
Depuis 2019, UNASUR a été remplace par Prosur, afin de relancer l’integration regionale en Amerique du Sud. Cependant, l’échec de Prosur reflète la tendance en Amérique latine à suivre la dernière mode idéologique au détriment d’une coopération régionale efficace, reproduisant ainsi le problème de désunion observé avec Unasur.
Ainsi, le Venezuela se trouve dans un moment critique où son système démocratique est compromit par la manipulation de la branche judiciaire. Les pressions exercées par les états internationaux offrent un espoir pour la resauration democratique, mais les obstacles persistants nécessitent une coopération régionale et mondiale pour garantir des élections transparentes en 2024.
Comparaison avec le Guatemala: limite des élections pour garantir la démocratie en Amerique Latine.
Une comparaison avec les élections Guatemalteques de 2023 révèle des similitudes frappantes avec le Venezuela. Les scrutins au Guatemala, marqués par des suspensions et des controverses judiciaires en août 2023, permettent d’observer des défis persistants au-delà des urnes; soulignant ainsi l’importance cruciale des règles de droit et de l’indépendance judiciaire pour garantir des élections justes et démocratiques. Bien que des élections libres soient souvent perçues comme une solution aux problèmes complexes d’un pays, les préoccupations liées à la détention arbitraire au Guatemala soulignent l’importance du respect de l’indépendance judiciaire, du pluralisme politique et de la liberté d’expression pour soutenir la démocratie et l’État de droit.
En effet, l’Amérique Latine a souvent été confrontée à des défis en matière de démocratie, reconnaissant ainsi la difficulté du processus démocratique. En revanche, les élections libres et équitables restent la première étape, la plus cruciale, afin d’instaurer progressivement la paix et le développement. Ainsi, remporter une élection ne constitue que le début du processus democratique: c’est la transition de la victoire électorale jusqu’à la gouvernance democratique qui en constitue le chemin.
Édité par Adèle Bard.
En couverture: Manifestation “El 5 de Julio” Photo par A.Davey sous licence CC BY-NC-ND 2.0 DEED.