COP 21 – Regard sur les Caraïbes
L’accord de Paris peut-il être historique ?
La semaine dernière, un accord international et « historique » a été signé. Historique pour plusieurs raisons ; d’abord il limite le réchauffement climatique à 1.5°C au lieu des 2°C prévus initialement. Ensuite tous les pays signataires devront faire des efforts pour limiter leurs émissions et engager la transition vers les énergies renouvelables. Enfin, cet accord, contrairement au tristement célèbre échec de Copenhague en 2009, a pris en compte pour la première fois, les voix des plus petits états du monde.
La COP (conférence des parties) s’est déroulée selon les règles de l’ONU ; l’égalité entre les parties était un élément essentiel de la conférence. Cette égalité a permis aux petits états de se faire entendre. Lors du HLS (High Level Segment) : discours des ministres des délégations, les états les plus vulnérables ont, pendant les 3 minutes qui leur étaient impartis, fait des discours percutants. Nombreux sont ceux qui ont souligné que leur responsabilité était minime dans le réchauffement climatique tout en appelant les puissances industrielles à faire la part des choses concernant leurs émissions de CO2. Le ministre d’Antigua et Barbuda a souligné l’importance de la prise en compte d’un nouveau problème : celui des réfugiés climatiques. Ils ont tous rappelé l’importance de limiter le réchauffement climatique à 1.5°C ainsi que l’urgence de la situation. La COP 21 a été préparée depuis plus d’un an par les parties, chacune a soumis un texte au secrétariat de l’ONU en amont de la conférence. Tous les états des Caraïbes ont proposé la limite des 1.5°C dans leur projet. En effet, cette région concentre un grand nombre de petits états particulièrement vulnérables au changement climatique. Ces dernières années, les scientifiques, notamment lors de la déclaration de Mahé (Maldives), ont mis en évidence l’impact du changement climatique sur la survie des îles états. De fait, les diverses études démontrent que le réchauffement climatique et sa conséquence la plus néfaste : la montée des eaux met en danger certaines îles et peut même, si on ne change pas les choses, en faire disparaitre d’autres.
Le pavillon Caraïbes appelé, pour l’occasion ; « Wider Caribbean Pavilion » était décoré pour les circonstances de petites affiches qui attiraient le regard des plus curieux. Une jeune femme, en tenue traditionnelle, sortant à peine le cou de l’eau, en dessous du slogan martelé par ces petits états : « 1.5°C pour survivre ». Aux grès des évènements que proposait le pavillon, une vidéo soulignait l’urgence de la situation en mettant en scène des négociateurs sur une plage tandis que la marée montait, ils sont peu à peu pris dans les eaux. Le pavillon Caraïbes était placé au carrefour des diverses pavillons, lui donnant une place centrale dans les déplacements des délégations, journalistes et observateurs de la conférence. Pour autant, on peut regretter le manque de conférence dans ce pavillon pour souligner les dangers que représentent le changement climatique, plus de sensibilisation de tous les participants. En terme de communication, ce pavillon manquait de ce que l’on trouvait dans les pavillons voisins, comme l’Indonésie, la Corée du Sud, le Japon ou encore le Pérou qui proposaient des conférences ouvertes à tous les publics, et disposaient de personnes pouvant expliquer les programmes environnementaux de leurs états. Cependant si la communication du pavillon n’était pas forcément très efficace pour un observateur néophyte, les délégations ont réussi un véritable tour de force : se faire entendre lors des négociations. En effet, c’est grâce à leur présence lors de toutes les réunions, leur participation aux différentes organisations ; AOSIS, CARECOM, SIDS, G77 qui leur ont permis de se faire entendre au-delà de certaines de leurs espérances. Pour beaucoup, au début de la conférence, les dés semblaient pipés. En effet, avant la conférence, les médias se sont fait une joie de rappeler les échecs de la conférence de Copenhague en 2009 mais surtout le retrait des États Unis du protocole de Kyoto. Pour autant, la France était pour la première fois hôte d’une COP et souhaitait son succès surtout après les attentats de Paris du 13 novembre.
Les petites îles états des Caraïbes se sont réunies dans des organisations pour mieux se faire entendre, c’est lors de cette conférence que l’on comprend à quel point l’union a fait leur force pour faire adopter leur point de vue. En unissant leur force, en partageant leurs idées, ces délégations ont réussis, quelques jours avant la fin de la conférence à bloquer les négociations. Leur succès a conduit la présidence française à prendre en compte leur revendication, et à revoir la copie de l’accord le mercredi soir. Ce blocage a fait durer les négociations rappelant les impasses de Copenhague, mais aussi les images insolites des négociateurs passant leurs nuits au centre de conférence et dormant sur les canapés. Les accords signés à Paris peuvent-ils vraiment être qualifiés d’historiques dans la mesure où pour certains états, la ratification par les assemblées élues est nécessaire, notamment pour les États Unis qui n’en sont pas à leur premier coup dans la matière. Ensuite, pour être qualifié d’historique, il faut attendre de voir les applications sur le long terme des engagements pris ce week-end. Cet accord intervient –il à temps est une autre question que se pose de nombreux scientifiques, les états des Caraïbes notamment à travers AOSIS font pression depuis plusieurs années sur les COP pour un accord contraignant sur le long terme. Ces accords ont surtout souligné la force des organisations inter-états qui sont probablement l’avenir des petits états pour se faire entendre. Le succès de la COP dont la présidence française se prévaut ces derniers jours est essentiellement dû au travail acharné des négociateurs, et à la pression des organisations. Les enjeux de la conférence étaient cruciaux surtout pour ces petits états particulièrement vulnérables au changement climatique. Grâce au système de l’ONU qui bien qu’imparfait à bien des égards, la place des petits états a été pris en compte et par leur obstination et un certain courage aussi, ils ont réussi un tour de force qui paraissait impensables à l’ouverture de la conférence.
Medias fournies par COP 21.