Entrevue avec Michael Chong: le candidat pour la chefferie du Parti conservateur nous parle de Kellie Leitch, le nationalisme et la normalisation de la haine
Pendant une rencontre récente au centre-ville de Montréal, Monsieur Chong a accepté de me parler d’un nombre de questions pertinentes qui se répandent dans cette campagne à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC). Chong n’a jamais hésité à critiquer les défaillances de ses collègues conservateurs, notamment en soulignant l’importance d’un parti fédéral plus inclusif qui accueille à la fois les immigrants et les jeunes : « We need to build a much bigger conservative party that includes people from all races, religions and creeds, and we need to recruit youth and a new generation of party candidates in ridings that are more diverse. I represent that new diverse generation of Conservatives ». Le député de la conscription de Wellington-Halton Hills en Ontario, Chong a élaboré sa plateforme autour de trois principes fondamentaux et concurrents : l’opportunité économique, l’opportunité environnementale et l’opportunité démocratique. Cette entrevue transcrite a été légèrement modifiée pour la rendre plus claire. L’enregistrement original peut être trouvé ci-dessous.
Benjamin Aloi, chef d’équipe des médias (MIR) : Je suis ici avec Michael Chong, un candidat pour le chef du Parti conservateur du Canada (PCC) et donc pour le chef d’opposition officielle. Monsieur Chong, merci d’être ici avec nous ce soir.
Michael Chong, Député de Wellington-Halton Hills, Ontario : Mon plaisir
Aloi : Pour commencer, selon l’attentat terroriste à la mosquée de Québec cette semaine, vous vous êtes démarqué parmi les candidats conservateurs en constatant que certains politiciens contribuent à un discours toxique par leur « normalisation » de la haine. Bien que la plupart de canadiens soit d’accord avec vous, comment garantiriez-vous comme chef de parti que les conservateurs appuient clairement une société pluraliste et tolérante, et qu’ils défendront les droits des minorités ethniques et religieuses ?
Chong : Je vais le faire parce que je suis une minorité au Canada. Mes parents étaient des immigrants qui ont déménagé ici au Canada dans les années soixante et les années cinquante. Mon père était chinois, il a déménagé de Hong Kong au Canada en 1952. Ma mère était une immigrante néerlandaise, elle a déménagé ici dans les années soixante. Donc, je comprends bien les défis, les aspirations des immigrants au Canada. Comme chef et comme Premier ministre, je vais défendre les droits des minorités partout au Canada.
Aloi : Pensez-vous que Kellie Leitch fait sortir de l’ombre un mouvement de l’extrême droit ? Autrement dit, pensez-vous que Leitch et ses partisans représentent une faction véritable au sein du parti conservateur ?
Chong : Je pense que la grande majorité, 99 %, des militants qui appuient Kellie Leitch sont de bons citoyens qui croient dans le Canada, qui défendent les droits et les valeurs canadiens. Mais je pense que, si les politiciens—et c’est pas seulement Kellie Leitch—utilisent une langue, un discours, des déclarations [et] des mots démagogiques, ils donnent le permis [à] la haine et [à] la discrimination. On peut voir la haine sur les médias sociaux. On a vu aussi la croissance de crimes [vers] les minorités ici au Canada pendant les dernières années, et je pense que c’est à cause de politiciens qui ont utilisé des discours démagogiques.
Aloi : Pourquoi est-ce que vous pensez que la plupart d’autres candidats a, selon moi, beaucoup d’hésitation en dénonçant clairement [ces] liens…
Chong : Ouais, je ne suis pas certain, mais je peux dire pour moi, j’ai des principes et je crois vraiment dans nos droits, [dans] nos libertés, dans notre constitution, dans notre Charte des droits et libertés… et pour moi, un « leader » doit défendre les droits des minorités. C’est le « leadership », c’est le principe [sur lequel] le « leadership » est basé.
Aloi : C’est le rôle de la position.
Chong : Oui, absolument. Donc pour moi, c’est la fondation de notre société et c’est pas seulement notre société canadienne. Ces principes de liberté et droits pour tous les citoyens sont la fondation de nos sociétés occidentales.
Aloi : En 2006, vous avez démissionné de vos fonctions comme ministre des Affaires Intergouvernementales dans l’ancien cabinet de Stephen Harper, citant sa motion reconnaissant les Québécois comme une nation distincte au sein du Canada. Pourquoi êtes-vous contre cette reconnaissance et quel regard portez-vous sur les relations actuelles entre le Québec et le gouvernement canadien fédéral ?
Chong : C’est une bonne question. Je peux dire trois choses. Premièrement, que c’est un ancien débat et que, comme chef, je ne vais pas ouvrir ce débat [encore]. Il y a dix ans, on a eu ce débat dans la chambre de communes et je respecte la décision de la chambre de communes. Deuxièmement, je pense que la vraie question devant nous comme un parti conservateur est : « Est-ce que le prochain chef peut parler les deux langues officielles pour communiquer avec nos concitoyens… Est-ce que le chef du parti conservateur va défendre les droits et les valeurs des francophones au Québec et partout au Canada et [va] défendre le fait français en Amérique du Nord ? » Et pour moi, la réponse à ces questions est claire : c’est oui. Troisièmement… ma position sur cet enjeu il y a dix ans, c’est exactement la même position que Justin Trudeau et Jean Chrétien ont eue. Donc Monsieur Trudeau a gagné le plus grand nombre de sièges dans la dernière élection. Son père a gagné l’élection de 1980, donc ce n’était pas de problème pour lui, et ça ne va pas de problème pour moi.
Aloi : Alors, vous ne faites pas de distinction entre le nationalisme québécois et d’autres formes de nationalisme au Canada ?
Chong : Je pense qu’il y a un bon nationalisme, c’est un nationalisme civique qui est basé sur nos…
Aloi : Ceci est la question de nationalisme en général. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?
Chong : Ça dépend. Il y a de bons nationalismes et de mauvais nationalismes.
Aloi : Comme un nationalisme exclusif
Chong : Oui, le nationalisme qui est basé sur l’origine, sur la race, sur la religion. C’est le mauvais nationalisme. Mais le nationalisme qui est basé sur nos valeurs civiques, c’est un bon nationalisme. Je crois dans ce deuxième type de nationalisme.
Aloi : On peut même constater que Kellie Leitch et ses partisans expriment une forme de nationalisme, aussi.
Chong : Je pense que Kellie Leitch a utilisé des mots qui ont créé la peur et la haine dans notre politique. Bien sûr, il y a un problème avec le terrorisme au Canada, mais si on regarde les attaques dans les dernières années au Canada, toutes ces attaques terroristes sont perpétuées par des citoyens natifs. Qu’elles [se] sont nées dans les familles qui étaient ici, pour la plupart, pendant des générations. Et il n’y a pas d’attaque dans les dernières années qui…
Aloi : Donc c’est pas une question d’immigration
Chong : Non. Il n’y a pas d’attaque dans les dernières années qui a été perpétuée par des immigrants ou des réfugiés. Donc si un politicien parle des défis de terrorisme ici au Canada en même temps de parler d’immigration et des réfugiés, c’est dangereux pour deux [raisons] : parce que ça donne un climat de peur, de haine contre les immigrants et les réfugiés ; et deuxièmement, ça [attire l’attention sur] une cause qui n’est pas la cause du terrorisme au Canada.
Aloi : Ouais, ça crée une perception dangereuse parmi la population canadienne. Exactement. Ok, finalement : En bref, quelle est votre solution à la pénurie de logement abordable dans beaucoup de villes canadiennes, surtout à Toronto et Vancouver ?
Chong : C’est une bonne question. Je pense qu’on a un grand problème dans beaucoup de villes au Canada avec le prix des maisons. Je pense que le prix des maisons est trop haut pour la classe moyenne et pour beaucoup de familles, et je pense que la grande raison pour ce problème est le programme d’assurance de SCHL (la Société canadienne d’hypothèque et de logement). Donc le Fonds monétaire international (FMI) a dit qu’on doit privatiser la SCHL et le programme d’assurance d’hypothèque pour régler ce défi. C’est une parte de ma politique dans cette campagne pour le « leadership ». C’est un plan à long-terme pour régler ce défi et pour mettre en place un système financier pour arriver à une [situation] où le prix des maisons est plus abordable pour la classe moyenne.
Aloi : D’accord. Merci beaucoup Monsieur Chong et bonne chance avec la campagne.
Chong : Merci beaucoup ! Mon plaisir.