Huawei: Bien Plus Qu’Une Simple Controverse
Récemment, la multinationale chinoise Huawei a été impliquée dans une série d’affaires internationales ponctuée de controverses et de tensions. Ces controverses ne se limitent pas seulement aux aspects économiques de la compagnie, mais aussi à des liens politiques mettant en scène un conflit entre les deux puissances mondiales, la Chine et les Etats-Unis. Les tensions émergeant de l’affaire Huawei sont symptomatiques de lourds défis pour la relation future entre les États-Unis et la Chine: avec autant d’enjeux, l’affaire Huawei peut donner lieu à un conflit mondial. La compagnie Huawei est accusée par les États-Unis de pratiquer du cyber-espionnage pour le gouvernement chinois. Au-delà des accusations et dénonciations purement formelles, certaines raisons pour lesquelles l’affaire a pris une telle envergure reflètent des intentions politiques et économiques de la part des Etats-Unis. Donald Trump a déclaré une guerre économique contre la Chine depuis son élection : les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux tentent de pénaliser le développement et l’expansion économiques du pays par l’entremise de sanctions sur la compagnie, qui était pourtant bien partie pour dominer le marché de la 5G et des réseaux de télécommunications. Non seulement l’affaire Huawei expose le débat sur le futur des technologies connectées, mais celle-ci illustre également l’influence politique que peuvent exercer les plus grandes multinationales.
Huawei est une multinationale chinoise, fondée en 1987 par Ren Zhengfei et dont le siège social se situe à Shenzhen. Le développement de la compagnie, qui se spécialise dans la télécommunication et l’informatique, a pu prendre son essor grâce à la nouvelle politique de réforme et d’ouverture économique instaurée par Deng Xiaoping en 1978. L’alliance entre la compagnie et le gouvernement était déjà bien établie : Ren Zhengfei faisait partie de l’armée chinoise sous le contrôle de Mao Zedong jusqu’en 1982 avant de partir travailler dans l’informatique à Shenzhen. Le président de la compagnie reste un membre du parti communiste, et cela pose de nombreux problèmes pour des pays étrangers, pour qui la collusion entre la multinationale et le gouvernement chinois inspire peu confiance. La présence de Huawei dans leurs réseaux de télécommunications est ainsi suspectée de mener à du cyber-espionnage ou à des failles importantes de sécurité nationale au niveau des cyber-attaques. La compagnie et le gouvernement entretiennent donc une relation qui bénéficie leurs intérêts communs: à travers le réseau de Huawei, la Chine semble pouvoir surveiller le monde et investir dans son infrastructure, permettant à la compagnie d’étendre sa part du marché de la télécommunication.
Avec le développement de technologies comme la 5G, la pratique de cyber-espionnage est devenu un grand souci pour certains pays, provoquant de nombreuses polémiques entre les progressistes et les sceptiques des avancées de la télécommunication. L’évolution de la 5G implique que nos appareils détenant des informations personnelles, mots de passe, et l’accès à certains comptes, vont être encore plus connectés entre eux: ainsi, la manipulation de toutes ces données sera plus simple. Pour les gouvernements, cela pourrait être synonyme d’effraction de données secrètes ou de prises de contrôle de certaines infrastructures clés (transport, domaine médicale, etc.). Même si certaines de ces préoccupations s’appliquent à la 4G, la 5G est incroyablement plus puissante et rapide que la précédente, multipliant ainsi les risques. L’hégémonie d’une compagnie sur cette nouvelle génération de télécommunication se traduirait par un monopole international sur les technologies adaptées à cette génération. De nombreux pays craignent donc que le monopole d’une certaine compagnie sur le marché et les installations de la 5G bénéficierait le pays associé (la Chine dans le cas présent) sur les plans économique autant que stratégique. Telle est la menace que pose la Chine si Huawei venait à dominer le marché de la 5G.
En dehors de ses origines, la compagnie a subi une longue histoire de controverses (ex : sabotage des bureaux de l’Union Africaine), mais depuis le 1er décembre dernier, Huawei et la Chine sont attaqués de toute part par de nombreux pays. À cette date, la fille du fondateur et vice-présidente de la compagnie, Meng Wanzhou, s’est faite arrêter à Vancouver sous la demande des autorités américaines, créant une crise diplomatique entre l’Amérique du Nord et la Chine. Elle serait « charged with conspiracy to defraud banks » (« chargée de conspiration pour fraude des banques ») et d’avoir menti par rapport à des activités que la compagnie a menées en Iran afin de contourner l’embargo américain imposé sur ce pays. La justice américaine a accusé formellement la compagnie le 29 janvier 2019, sous charge de cyber-espionnage et de partage des secrets industriels en Iran. En représailles, le gouvernement chinois a emprisonné deux Canadiens, les accusant d’avoir mis en danger la sécurité nationale, tout en niant un lien quelconque avec l’affaire Huawei. La Chine s’est pourtant retrouvée de plus en plus isolée, alors que de nombreuses autres nations, telles que l’Australie, l’Allemagne, et la Nouvelle-Zélande, ont elles aussi dénoncé la compagnie pour des raisons similaires.
La crise diplomatique initiée par l’arrestation de Meng Wanzhou n’est en fait qu’une prémisse à la guerre économique déclarée par le président américain Donald Trump contre la Chine. Après l’imposition de termes rudes cherchant à réduire le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis la Chine, détruire la réputation de Huawei limiterait sérieusement son développement dans le marché occidental, permettant à des compagnies américaines comme Google et Apple de reprendre de l’avance (Huawei ayant dépassé Apple en 2017 en terme de ventes de téléphones).
Pour les Etats-Unis, d’éventuelles sanctions imposées sur la Chine et Huawei seraient motivées par des intérêts économiques, et reflètent également des soucis quant à la sécurité nationale. En effet, l’affaire Huawei met en avant certaines intentions malhonnêtes et frauduleuses chinoises, dissuadant d’autres pays de coopérer avec celle-ci. De l’autre côté du spectre, l’affaire souligne l’usage de manipulations politiques par les États-Unis, qui dissimulent des profits économiques nationaux à travers la présentation de Huawei comme bouc-émissaire. La compagnie chinoise représente le porte-étendard de l’économie chinoise moderne, surpassant l’influence de grands noms américains. Démanteler ce porte-étendard restaurerait l’hégémonie technologique mondiale des Etats-Unis.
L’affaire Huawei représente donc la culmination des tensions entre les deux puissances mondiales. Il est nécessaire de reconnaître les intentions du gouvernement chinois vis-à-vis du développement de la 5G par Huawei, ainsi que les raisons pour lesquelles les États-Unis portent autant d’importance à une histoire de cyber-espionnage. En effet, il est bien connu que les réseaux sociaux américains sont une plateforme pratique pour l’intelligence américaine, mais quand un autre pays utilise des pratiques similaires pour éventuellement contester l’hégémonie américaine, la crise diplomatique devient alors plus dramatique. Tout cela revient à une question de deux poids et deux mesures, pour laquelle le cyber-espionnage de la Chine est soudainement plus grave que celui des Etats-Unis. Les deux puissances étant en conflit économique de manière quasi-totale, les États-Unis utilisent officieusement les accusations contre Huawei afin de se donner un avantage dans cette guerre commerciale. Cette affaire met également en lumière la puissance démesurée de certaines multinationales, qui peuvent risquer de troubler l’ordre publique.
Edited by Charles Lepage