Kamala Harris 2020: Une Perspective De Renouveau Pour Les Démocrates
Dans le marasme politique américain provoqué notamment par les décisions et déclarations souvent surprenantes du 45ème président des Etats-Unis Donald Trump, on en oublie souvent que les prochaines élections présidentielles sont prévues en automne 2020, dans moins de deux ans. Alors que ces derniers mois ont été marqués par une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine et par le shutdown gouvernemental le plus long de l’histoire, de nouvelles perspectives politiques américaines émergent maintenant que les premiers candidats pour la présidentielle ont commencé leur campagne.
Si les Républicains seront probablement de nouveau représentés par l’actuel président M. Trump qui fait campagne pour un deuxième mandat, l’interrogation demeure concernant les démocrates : après la défaite sanglante et étonnante de Mme Clinton qui a affaibli le parti Démocrate, celui ou celle qui lui succédera n’est pas encore connu à ce jour. Plusieurs candidats ont annoncé leur envie de représenter le parti le 3 novembre 2020, jour de l’élection, mais aucun favori ne se démarque réellement. Une candidate a néanmoins fait davantage parler d’elle ces derniers mois : Kamala Harris, 54 ans, pugnace et déterminée. L’actuelle sénatrice de Californie incarne le renouveau démocrate auquel le parti aspire depuis l’échec d’Hillary Clinton, et a le profil idéal pour affronter et battre Donald Trump.
Née à Oakland en Californie d’une mère Indienne et d’un père Jamaïcain, Kamala Harris est le fruit de la diversité culturelle américaine. Après avoir passé une partie de sa jeunesse à Montréal, elle obtient un « Juris Doctor » au terme d’un cursus mené à l’University of California, Hastings College of the Law. Élue procureure du district de San Francisco en 2003, elle est par la suite élue procureure générale de Californie en 2010 avant de rejoindre le Sénat fin 2017 en tant que sénatrice, poste qu’elle occupe toujours aujourd’hui.
Après plus de 20 ans de carrière en politique, Kamala Harris annonce le jour de l’anniversaire de la mort de Martin Luther King, qu’elle se présentera à l’investiture démocrate de 2020. Lors de son discours de candidature, elle s’est définie comme une gardienne de « la vérité », mettant en avant les principes de « décence » et « d’égalité », des termes loin d’être choisis au hasard et qui font référence aux déboires de l’actuel président Donald Trump dont Kamala Harris est une des ferventes adversaires. Elle lance officiellement sa campagne le dimanche 27 janvier à Oakland, sa ville natale, sous le signe de l’unité en opposition à Donald Trump à qui elle reproche d’avoir divisé les Etats-Unis.
A plusieurs reprises dans son discours elle s’est attaquée indirectement au 45ème Président des Etats-Unis et aux « forces puissantes qui tentent de semer la haine et la division ». La critique ne s’arrête pas là : « Nous avons des dirigeants qui attaquent la presse libre et sapent nos institutions démocratiques », a-t-elle affirmé avant de dénoncer le « projet médiéval et mégalo » de Donald Trump désignant ainsi le gigantesque mur qu’il a la ferme volonté de construire à la frontière américano-mexicaine dans le but de réguler l’immigration. Selon la sénatrice, ce projet « vaniteux » n’arrêtera en aucun cas le trafic de drogue et les violences qui en résultent. De plus, elle décrit la politique de séparation des familles de migrants arrêtés à la frontière comme une « violation des droits de l’homme » et une insulte à l’essence même des Etats-Unis : « That is not our America ! ».
Lors de ce discours de lancement de campagne, Kamal Harris s’est présentée comme une candidate du peuple. Son slogan, « For the People » (« Pour le Peuple ») le démontre, et reflète le programme qu’elle souhaite mettre en place. Se décrivant comme une candidate progressive, elle souhaite un « Medicare for all health care system », soit un programme de sécurité social pour tous dans la lignée de la réforme de santé « Obamacare » qui avait été voté lors du premier mandat du 44ème Président Barack Obama, et que M. Trump a entravé par son Executive Order 13813. Elle prévoit également une réduction de la caution (« cash bail ») pour les détenus inculpés pour infractions pénales, souhaite aider les populations à faibles revenus à payer leurs impôts, et prône une augmentation des revenus pour les classes ouvrières. Enfin, elle propose un « $3 Trillion tax plan » dans le but d’aider les classes moyennes et ouvrières.
Ses propositions et son charisme font de Kamala Harris une candidate unique, avec un projet très social pour les Etats-Unis. Ne laissant transparaître aucune once de peur ou de fragilité, elle se positionne comme une candidate sociale s’adressant à un public divers, notamment en revendiquant et en mettant en avant son héritage asiatique et afro-américain. Néanmoins, ses propositions ont généré de nombreuses critiques, certains détracteurs affirmant que son projet est irréalisable. En effet, Kamala Harris devra aussi faire face à une concurrence indéniable parmi les démocrates, ce qui pourrait avantager Donald Trump dans la course à la présidentielle.
Face à Kamala Harris, trois sénatrices : Elizabeth Warren (représentante du Massachusetts), Kirsten Gillibrand (État de New York), et enfin Tulsi Gabbard (représentante de Hawaï). Il y a de fortes raisons de penser que la candidate qui posera le plus de résistance à Kamala Harris sera Elizabeth Warren qui a déjà rassemblé un bon nombre de supporters après l’annonce de sa candidature fin décembre. Elle est connue pour être une critique acerbe de Wall Street et de Donald Trump. D’autres candidats sont également pressentis pour se présenter. Bernie Sanders, qui avait été battu par Hilary Clinton, pourrait décider de se présenter de nouveau, et serait probablement donné comme favori, au vu de ses nombreux soutiens et admirateurs. Le nom de Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama, est également évoqué : très populaire, il pourrait vouloir tenter sa chance.
Le trop grand nombre de candidats constituerait un handicap considérable pour les démocrates car il pourrait créer des divisions à l’intérieur du parti et ainsi donner l’avantage à Donald Trump qui avait déjà profité d’un grand nombre d’abstentions de la part de certains démocrates lors des élections de 2016. De plus, Howard Schultz, milliardaire et ancien patron de la chaîne mondialement connu Starbucks, a annoncé qu’il pensait sérieusement à se présenter aux élections en tant que « centriste indépendant hors du système bipartisan », ce qui pourrait diviser l’électorat centriste et ainsi favoriser la réélection de M. Trump.
Candidate moderne et progressiste, Kamala Harris joue intelligemment avec son image de candidate du peuple pour gagner des électeurs. Fervente ennemie de Donald Trump, elle devra néanmoins d’abord remporter les primaires démocrates, une course qui s’annonce de plus en plus serrée et ardue. Cela pourrait avantager Donald Trump qui profiterait alors des divisions de l’électorat démocrate pour être potentiellement réélu en 2020.
Edited by Laura Millo