La résurgence de l’antisémitisme en France
En cette période de crise sociale et de peur, il semblerait bien que l’antisémitisme refasse surface en France. Ces dernières semaines, la France assisté à la multiplication d’insultes et d’attaques envers les juifs; des attaques qui ont pour but de les désigner comme grand coupable des problèmes économiques, politiques, et sociaux en France. Le 19 février, plus de 80 tombes ont été profanées dans le cimetière juif de Quatzenheim, dans le Bas-Rhin, avant que le président de la République et les présidents des deux Chambres se rendent au Mémorial de la Shoah. Scandalisés par cet élan de violence, des milliers de Français se sont rassemblés pour protester contre cette résurgence de l’antisémitisme, répondant à un appel lancé par des responsables politiques, religieux, et associatifs.
Aujourd’hui, les dernières enquêtes d’opinion et les statistiques révèlent un climat tendu en France pour la communauté juive. En novembre 2018, le Premier ministre Édouard Philippe avait évoqué des chiffres « implacables ». Alors qu’ils étaient en baisse depuis deux ans, les actes antisémites auraient augmenté de plus de 69 % au cours des neuf premiers mois de l’année 2018. Une étude de l’Agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne confirme ce phénomène. Plus de 90 % des juifs d’Europe et 93 % des juifs français estiment que le sentiment antisémite devient de plus en plus fort en France. Par ailleurs, plus d’un tiers des personnes interrogées essayent de ne pas fréquenter d’événements juifs et 38 % considèrent la possibilité de quitter l’Union Européenne.
Plusieurs décennies après la rafle du Vél’d’Hiv, la plus grande arrestation massive de juifs réalisée en France durant la Seconde Guerre mondiale, cette parenthèse monstrueuse de l’histoire semblait close. Si l’antisémitisme en France n’avait pas totalement disparu, l’horreur de la Shoah interdisait de l’exprimer ouvertement. Or, on assiste aujourd’hui à une accélération d’incidents au caractère antisémite qui survient en parallèle à la contestation des Gilets Jaunes. En effet, le mouvement inquiète par ses dérives de nature anti-juive : écriteaux ou inscriptions antisémites souvent teintés de théorie du complot, injures antisémites devant une synagogue et sur les réseaux sociaux, ou encore chants de ralliement à connotation antisémite. Le 16 février, le philosophe et académicien polémiste juif Alain Finkielkraut a notamment été pris à partie en marge de la manifestation des Gilets jaunes.
Ce qui avait débuté comme une protestation contre la hausse de la taxe carbone sur le carburant, le coût de la vie, et l’injustice sociale, se retrouve désormais détourné par des revendications disparates et contradictoires. Dans leur très grande majorité, les Gilets jaunes ne sont pas antisémites, mais le mouvement aurait permis un contexte propice à l’expression d’un tel sentiment. Selon Édouard Philippe, « il serait faux et absurde de dire que le mouvement des Gilets Jaunes est antisémite » , mais « à l’occasion de la crise des Gilets jaunes, un certain nombre de garde-fous ou de digues sont tombés ».
Etant donné que les Gilets Jaunes expriment un sentiment de crainte et de désabus collectif à l’égard des élites politico-économiques et des médias, le mouvement aurait également décomplexé un certain sentiment de défiance à l’égard des juifs. Pierre Birnbaum, historien et sociologue professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, estime qu’en France, « le rejet du pouvoir charrie un antisémitisme plus virulent qu’ailleurs ». Cette résurgence de l’antisémitisme se traduiraient donc entre autres par une association des juifs au pouvoir et du pouvoir aux juifs.
Au-delà de ces incidents, les Gilets Jaunes ont également été critiqués pour ne pas avoir été assez rapides à condamner ces manifestations antisémites. Maxime Nicolle, l’une des figures les plus en vue du mouvement, avance que le gouvernement cherche à discréditer les Gilets Jaunes. Eric Drouet, autre figure connue du mouvement, a estimé que les injures à l’encontre d’Alain Finkielkraut n’étaient pas de nature antisémite, mais uniquement « antisioniste ». Or, en 2017, le président de la République avait déclaré que l’antisionisme était « la forme réinventée de l’antisémitisme ».
Allant au-delà de simples déclarations, Emmanuel Macron a annoncé le 20 février, lors d’un discours au dîner annuel du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF), la mise en œuvre d’une définition de l’antisémitisme intégrant certains aspects de l’antisionisme. En dénonçant une résurgence de l’antisémitisme « inédite depuis la seconde guerre mondiale », le président a réitéré que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme ».
A travers un antisionisme à visage découvert, le président français verrait une nouvelle forme d’antisémitisme. Mais les réponses du gouvernement à ces actes antisémites sont contre-productives. En confondant antisionisme et antisémitisme, le président renforce le sentiment selon lequel les juifs sont une minorité surprotégée et proche du pouvoir. Par ses mesures, Macron laisse supposer une grande influence du CRIF sur le pouvoir politique, ce qui consolide l’association du juif au pouvoir politique, médiatique, et économique.
Edited by Lou Bianchi