Le Venezuela : Un pays déchiré par le bras de fer entre les deux prétendants au pouvoir
Le Venezuela, puissance pétrolière mondiale, se trouve depuis quelques années au sein d’une crise économique sans précédent. Élu en 2013 après la démission du charismatique Hugo Chavez pour des raisons médicales, Nicolas Maduro, successeur choisi de M. Chavez, devient président du Venezuela malgré la contestation des résultats par l’opposition qui accuse Nicolas Maduro d’avoir manipulé les votes. La situation économique s’est constamment détériorée après l’élection de M. Maduro. La production a été divisée par 2 en 20 ans, le secteur industriel s’effondre et embarque les 90% des revenus nationaux dans une spirale d’inflation disproportionnée. Le PIB a reculé de 40% en 10 ans ! Selon un rapport du FMI, l’hyper inflation qui touche le pays pourrait atteindre 10 000 000% dans l’année 2019, ce qui ferait sombrer le pays dans une crise économique, sociale, et humanitaire.
Malgré des chiffres désastreux et une popularité au plus bas, Nicolas Maduro est réélu en mai 2018 pour un second mandat. Une nouvelle fois, l’opposition accuse le protégé d’Hugo Chavez d’avoir tronqué les votes en sa faveur. Président contesté, son opposant numéro un, Juan Gaido, est élu à la tête de l’Assemblée Nationale début 2019. Il profitera de ce statut pour s’autoproclamer président du Venezuela de manière légitime. De ce fait, le pays est actuellement divisé entre deux présidents. L’un contesté, mais toujours en poste notamment grâce au soutien de l’armée et de la Russie, l’autre censé incarner le renouveau vénézuélien, soutenu par l’Assemblée Nationale et une bonne partie du peuple, ainsi que plus de 50 États dans le monde dont les États-Unis qui jouent un rôle de premier plan dans cette crise politique.
Alors que la crise économique fait des ravages colossaux sur la population, le pays est également plongé dans une crise politique depuis plus d’un an. Tout d’abord, les conséquences de cette crise économique sont énormes, plus de 2 millions de personnes ont quitté le pays depuis 2015 et pas moins de 90% des habitants sont tombés sous le seuil de pauvreté. Cette situation a atteint son apogée le 5 mars quand une gigantesque panne de courant a paralysé le pays pendant plus d’une semaine.
La crise politique, elle, s’est intensifiée ces derniers mois. La confrontation Maduro-Gaido fait une victime: le peuple vénézuélien. Le jeudi 7 mars, une coupure de courant touche tout le pays. Depuis, la vie s’est arrêtée pour les locaux; la survie est devenue la priorité numéro. Les personnes malades ou gravement blessées ne peuvent pas être soignées dans les hôpitaux où l’absence de médicaments et d’électricité ne permet pas aux infirmiers de faire leur travail. La nourriture réfrigérée est distribuée aux habitants des villes avant qu’elle ne périme. De plus, faute de pompes à eau qui fonctionnent grâce à l’électricité, les habitants sont obligés de s’hydrater avec les eaux sales récupérées dans les villes et villages. La situation est invivable pour la population. Sans électricité, l’usage des cartes bleues est impossible; ainsi, tous les supermarchés et vendeurs locaux ont dû fermer.
La coupure de courant a également engendré une violence sans précédent. Jours et nuits, des centaines de magasins ont été saccagés. A Maracaibo, 523 enseignes ont été pillées. Des habitants de cette ville côtière racontent avoir été témoins d’émeutes qui ont été suivies de coups de feu et de morts, les gérants des magasins essayant de défendre leur propriété des pillages. Les forces de l’ordre absentes, la violence est ingérable. De nombreux personnes ont été blessées, et dans l’incapacité d’être soignées à cause de la coupure. Au delà de paralyser tout le pays, la panne de courant plonge le pays dans le chaos, et dans une crise sociale sans précédent.
Néanmoins, cette panne de courant fait débat, car elle serait le fruit d’une alliance Gaido-Washington dans le but d’affaiblir Maduro et de le contraindre à la démission. En effet, Maduro accuse Gaido d’être à la tête d’un « putsch électromagnétique » pour le faire sombrer. Une enquête faite par le procureur général vénézuélien Tarek William Saab, est actuellement en cours. La crise politique a effectivement des répercussions sans précédent sur la population. D’une crise politique et économique, le Venezuela connaît désormais une crise humanitaire.
Cette crise politique est aujourd’hui intensifiée par la possible implication des États-Unis dans la coupure de courant. En effet, le soutien indéniable des États-Unis à Juan Gaido suscite des soupçons sur le rôle de la superpuissance au regard de l’origine de la coupure de courant. Tout d’abord, le rôle des États-Unis dans la crise politique vénézuélienne est plus que capital. En appliquant des sanctions économiques sur le Venezuela, Donald Trump pousse Maduro à démissionner et à laisser sa place à Juan Gaido. Il a même annoncé que « toutes les options sont sur la table » concernant une possible intervention militaire. Des interrogations sur l’éthique des relations entre les États-Unis et le Venezuela sont donc légitimes.
Tout d’abord, les États-Unis et le Venezuela ont une histoire commune, le Venezuela possédant des réserves pétrolières considérables, les États-Unis n’ont pas hésité à leur acheter des concessions dans les années 1950. Ainsi, dans la deuxième partie du XXème siècle, les États-Unis sont les premiers acheteurs de l’or noir vénézuélien. Mais, les relations se détériorent en 1998 quand le charismatique Hugo Chavez arrive à la tête du Venezuela. Ancien militaire, défendant une idéologie plutôt socialiste, Hugo Chavez souhaite réduire l’influence des États-Unis au Venezuela, ce qui se traduit notamment par un changement des partenaires commerciaux concernant le pétrole vénézuélien. Le pays refuse et chasse l’accès aux grandes entreprises américaines tout en laissant entrer les entreprises chinoises et russes dans l’export de l’or noir. Lors d’un coup d’état qui renverse Hugo Chavez pendant deux jours, les États-Unis soutiennent ouvertement la tentative de mise à pied du président socialiste. Après cet évènement, Hugo Chavez affiche un anti-américanisme prononcé tout comme Nicolas Maduro, fils spirituel de Chavez. De ce fait, il paraît clair que l’éviction de Nicolas Maduro serait souhaitée par Donald Trump afin de retrouver les relations commerciales d’antan qui permettaient aux États-Unis l’accès à de nombreuses réserves de pétrole.
Une autre raison expliquerait l’implication des États-Unis au Venezuela. La stabilité du continent étant un enjeu crucial pour les Etats-Unis, son implication au Venezuela ne serait pas seulement pour défendre la démocratie, mais aussi pour stabiliser toute l’Amérique du Sud qui est également touchée par la crise politique, sociale, et migratoire du Venezuela. Depuis 2015, plus de 2 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays, soit 10% de la population. Cette exode met en difficulté les pays voisins tels que la Colombie qui a accueilli plus d’un million de Vénézuéliens ces quatre dernières années. De ce fait, les pays limitrophes du Venezuela ne soutiennent plus Nicolas Maduro car l’exode du pays met en difficulté le reste du continent et n’est pas une solution durable. À cela s’ajoute l’arrivée de gouvernements de droite en Amérique du Sud telles qu’en Argentine, Pérou, et au Brésil qui partagent une idéologie contraire à celle de Nicolas Maduro. Le gouvernement de Maduro n’étant ni reconnu par les Etats-Unis, ni par la plupart des voisins du Venezuela, seuls le parlement et son président Juan Gaido sont reconnus, ce qui en fait le légitime président aux yeux du continent.
Par ailleurs, le Venezuela est un atout politique pour Donald Trump dans le cadre de sa réélection. La communauté hispano-américaine étant importante aux États-Unis, le lobby vénézuélien est une source de voix que Donald Trump serait ravie de mettre dans sa poche en aidant Juan Gaido, candidat soutenu par le peuple. Plus exactement, on trouve aux États-Unis 400 000 personnes nées au Venezuela ou d’origine vénézuélienne dont un quart se trouve en Floride. Historiquement, la Floride est un État souvent indécis qui peut basculer soit en faveur des Démocrates (2012) soit en faveur des Républicains (2016) et est donc un État clef dans la course à la Maison Blanche. Si Donald Trump arrive à mettre à pied Nicolas Maduro, cela serait considéré comme une victoire pour les Vénézuéliens américains et donnerait une très bonne image à Donald Trump dans le cadre de sa réélection. S’il y arrive, ce serait une rare victoire pour Donald Trump en terme de politique étrangère à mettre à son actif. De plus, le Venezuela étant en ruine, ce dernier a considérablement besoin que les États-Unis achètent son pétrole. Le pays de l’Oncle Sam est donc en position de force dans cette affaire, et en poussant la sortie de Maduro à travers des sanctions économiques et un possible « putsch électromagnétique », il permettrait une situation où les États-Unis, Juan Gaido, et le Venezuela en général, en sortiraient gagnants.
Pendant plus d’une semaine, le Venezuela, ancienne première puissance économique de l’Amérique du Sud, s’est retrouvé dans le noir à cause d’une panne d’électricité chaotique. La population fait les frais d’une crise politique sans précédent où deux présidents s’affrontent pour le pouvoir. Mais la première victime de cette crise est le peuple vénézuélien, qui en plus de subir les conséquences d’une crise économique sans fin, doit maintenant subir les excès politiques de deux présidents qui sont prêts à mettre en danger leur citoyens pour accéder au pouvoir. La présence indéniable des États-Unis dans cette crise soulève des questions sur leur implication potentielle dans ce chaos politique et social. Il paraît, en effet, que les États-Unis ont plus à gagner qu’à perdre en poussant rigoureusement Maduro à la démission. Néanmoins, la récente révocation de Juan Gaido pour corruption propulse davantage le pays vers un futur incertain. Les espoirs démocratiques du Venezuela viennent peut-être de s’envoler avec cette mise à pied, qui laisse la voie libre à Maduro pour reprendre le contrôle du pays.
Edited by Laura Millo