L’écotourisme : vers un avenir responsable
Le 10 octobre 2020, un avion de la compagnie aérienne australienne Qantas prend son envol. Complet, ce vol de 7 heures reliera Sydney à… Sydney. Oui, un vol pour aller nulle part. C’est une stratégie marketing, de plus en plus populaire en Asie et en Australie, qui tente de relancer les activités du secteur aérien. Un secteur en difficulté, qui représente plus de 3,5 trillions de dollars à l’échelle mondiale, et dont la majorité des recettes dépend des voyageurs, pour la plupart encore incapables de reprendre les airs en raison de la fermeture des frontières.
Face à la crise économique provoquée par la COVID-19, faut-il pour autant encourager de telles pratiques, néfastes pour l’environnement, afin de redémarrer le dynamisme touristique? Certes, l’urgence économique rejoint l’urgence climatique. Mais cette crise ne doit pas servir de prétexte pour perpétuer des pratiques qui détruisent l’environnement. Au contraire, la crise offre au secteur touristique une opportunité de se renouveler, afin de concilier les besoins économiques et la cause environnementale.
Du carbone, du carbone et encore du carbone
Le secteur touristique est déjà très polluant : les activités liées au tourisme, des transports aux séjours à l’hôtel, représentent environ 8% des émissions totales de gaz à effet de serre. Ces gaz, tels que le dioxyde de carbone, la vapeur d’eau, ou encore le méthane, sont naturellement présents dans l’atmosphère terrestre. La Terre réfléchit une partie des rayons émis par le soleil; certains rayons retournent vers l’espace, tandis que d’autres sont absorbés par les gaz à effet de serre. Ces gaz diffusent alors l’énergie des rayons absorbés sous forme de chaleur. Les rejets de carbone liés aux activités industrielles, et notamment à l’aviation, augmentent la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et, par conséquent, induisent une augmentation des températures globales, contribuant au dérèglement climatique.
Un vol de 7 heures est donc très polluant : il émet en moyenne une demi-tonne de carbone. Bien que l’aviation connaisse un ralentissement de ses activités économiques, son impact sur l’environnement demeure considérable : les vols vers nulle part deviennent un divertissement pour des touristes insouciants, qui contribuent alors aux émissions de gaz à effets de serre, et ainsi, au réchauffement de la planète.
Certains diront qu’il vaut donc mieux voyager par bateau que par avion; le bateau serait moins polluant. Pourtant, les croisières sont tout aussi polluantes. Le carburant principal de ces monstres de mer, le fioul non raffiné, est également lourd en carbone. Par jour, un bateau de croisière rejette autant de gaz que 15 000 voitures, et ces déchets liquides contaminent les écosystèmes des océans qu’il traverse.
Voyager et saturer : le surtourisme
Au-delà des dégâts écologiques causés par le tourisme, les destinations les plus renommées connaissent un phénomène préoccupant : le surtourisme. La globalisation et la mobilité rapide banalisent le voyage et facilitent l’accès aux quatre coins du monde. Le nombre de touristes ne fait qu’augmenter chaque année, et malgré le ralentissement causé par la pandémie, ce ne sera que de courte durée. Des lieux autrefois préservés et attractifs pour leur calme et leur sérénité souffrent aujourd’hui de l’afflux abondant de touristes. Prenons l’exemple du mont Everest, qui durant cette dernière décennie, s’est retrouvé embouteillé et pollué par des alpinistes amateurs, ce qui lui a récemment fait valoir le nom de « la plus haute poubelle au monde ».
L’économie touristique est donc une économie polluante, qui affecte le climat et contribue à la destruction des écosystèmes. Ainsi, dans un contexte de crise environnementale, le touriste doit impérativement repenser son rapport au voyage et contribuer au développement d’un tourisme durable et responsable.
Patrimoine touristique, trésor national
Bien que l’économie du tourisme soit polluante, c’est une économie importante. Pour la France, pays le plus visité au monde, le tourisme représente 8% du PIB et plus de 2 millions d’emplois à travers le territoire. La valorisation du patrimoine culturel français et le rayonnement du pays à l’étranger dépendent alors fortement du dynamisme touristique. C’est un secteur qui a grandement souffert de la pandémie de la COVID-19 : les pertes sont estimées à plus de 40 milliards d’euros.
Néanmoins, sur le plan environnemental, le ralentissement des activités économiques et touristiques a démontré que le changement était possible. Le confinement global a permis une baisse de la pollution atmosphérique en carbone allant jusqu’à 30%. Ces changements sont insignifiants à l’échelle de la crise climatique, mais suffisent pour mettre en avant l’importance d’agir en faveur d’un tourisme écoresponsable. Les conséquences de la pandémie ont entraîné une véritable prise de conscience générale et ont signalé l’urgence de s’orienter vers des solutions communes aux crises du tourisme et de l’environnement.
En effet, que cela soit dû à cette prise de conscience générale ou à d’autres contraintes, cet été, 94% des Français sont restés dans leur pays, contre près de 30% à l’été 2019. Ce qui a permis aux Français d’apprécier leur patrimoine culturel et naturel et de favoriser le tourisme de proximité.
L’écotourisme : quand économie et écologie s’allient
Le tourisme de proximité, c’est une nouvelle forme de tourisme durable, très valorisée par le touriste français. Pour voyager, pour déconnecter, il n’est pas nécessaire de partir très loin de chez soi. En France, différentes initiatives émergent aux échelles locales et nationales. Les activités extérieures, notamment le vélo, sont de plus en plus populaires et sensibilisent les citoyens au respect de la nature. L’Organisation des Acteurs du Tourisme Durable (ATD), dont le rôle est de contribuer au développement de l’écotourisme, a créé différentes ressources pour encourager les touristes à adopter un mode de voyage plus responsable.
Au niveau du gouvernement, la formation du Comité de filière tourisme (CFT) assure la transition écologique par la mise en place d’outils qui permettent de favoriser le développement durable. Durant tout l’été 2020, le CFT a notamment participé à la campagne de communication « Cet été je visite la France, » qui avait pour but de promouvoir le tourisme de proximité et la valorisation du patrimoine local; une stratégie marketing bien différente de celle employée par les compagnies aériennes, et bien plus responsable.
En France, l’écotourisme constitue un effort qui cherche à allier économie et responsabilité environnementale. Bien qu’aucune mesure ne soit imposée, différentes initiatives poussent le touriste à prendre conscience des conséquences de ses choix. Il est essentiel que le touriste assume sa responsabilité individuelle. Celui-ci a un grand pouvoir : par sa demande, il détermine l’offre de l’industrie. Lorsqu’il choisit d’adopter un mode de voyage qui respecte l’équilibre entre ses besoins, l’économie et l’environnement, il contribue à façonner un futur responsable. Tout de même, promouvoir l’écotourisme, c’est bien plus qu’une responsabilité individuelle : c’est une action collective à long terme, qui doit impliquer les différents acteurs du secteur, des guides locaux aux personnels hôteliers.
Agir, pour aujourd’hui et pour demain
Afin de maintenir un équilibre entre économie et environnement, le secteur touristique doit assumer de nouvelles responsabilités. Les restrictions mises en place pour contrer la pandémie de la COVID-19 ont montré qu’il est possible de s’orienter vers un tourisme écoresponsable; autrement, le tourisme continuera de détruire l’environnement. Par exemple, en raison de la fonte des glaces, entraînée par le réchauffement climatique, les routes maritimes de l’Arctique se libèrent. En plus des intérêts commerciaux, différentes compagnies touristiques envisagent d’y envoyer des bateaux de croisière, ce qui menacera les écosystèmes de la région. De telles pratiques qui nuisent à l’équilibre environnemental doivent être sanctionnées et non encouragées.
Le touriste cherche l’aventure et l’émerveillement, qu’il trouve souvent dans la beauté de la nature. Paradoxalement, le touriste est responsable de la destruction de cette même nature qu’il admire. S’il ne change pas son comportement aujourd’hui, que lui restera-t-il à admirer ?
Photo de couverture : illustration par l’auteur.
Édité par Maria Laura Chobadindegui