L’immunité de la loi non plus: les faux médicaments au Bénin
Chaque jour, des citoyens du monde entier consomment des médicaments en prenant pour acquis qu’ils auront l’effet de guérir leurs maux. Mais que se passerait-il s’il n’y avait pas de moyens de garantir que les analgésiques produissent les effets désirés? Que ferions-nous sans l’assurance que ces pilules soulagent la douleur ou réduisent l’hypertension? La réponse à ces questions se trouve dans le marché massif de faux médicaments.
Selon L’Organisation Mondial de la Santé, environ un médicament sur dix serait falsifié. Même si tous les pays ne sont pas touchés de la même manière par ce phénomème grandissant, tous sont affectés d’une façon ou d’une autre. Par exemple, au Canada, l’Institut Mondial de Recherche Anti Contrefaçon de Médicaments, en collaboration avec Interpol, a établi, en Juin 2016, qu’au cours d’une semaine, les gendarmes et douaniers Canadiens “ont saisi à la frontière 1.283 colis et en ont refusé 2.576 sur 4.227 inspectés” et que “la quasi-totalité de ces produits était des stimulants sexuels, faux ou non autorisés.”
L’organisation constate que quelques raisons clés contribuent à l’essor constant du marché de faux-médicaments, comme les lois inappliquées et “[l’]extrême rentabilité du trafic.” Bien que l’investissement initial semble important, il ne présente pas un obstacle pour les producteurs sur le long terme en raison de la marge bénéficiaire massive. Interpol a fait référence à une statistique de la Fédération internationale de l’industrie du médicament (FIIM) lorsqu’elle a affirmé que “[l]a contrefaçon d’un blockbuster génère un bénéfice de 500 000 dollars pour un investissement initial de 1000 dollars.” Bien qu’on ne puisse pas généraliser cette statistique à l’ensemble des profits générés par l’industrie des médicaments contrefaits, cette information démontre qu’il y a au moins une présomption d’avantages fiscaux.
Comment combattre ce marché
À l’heure de la mondialisation, le combat contre les faux médicaments s’effectue en parralèle avec l’Opération Permanent Forum on International Pharmaceutical Crime (Pangea) d’Interpol, qui constitue la première initiative internationale contre la vente de médicaments illicites sur internet. Comme le titre suggère, cette opération implique une multitude d’autorités mondiales, incluant 193 services policiers et douaniers de 103 pays. Depuis son lancement, Interpol a intercepté plus de 330 000 colis, dont 167 917 qui “ont été saisis après la découverte de produits médicaux illicites ou de contrefaçon.” Ce numéro se traduit par près de 53,7 millions de dollars américains, équivalent à presque 12.5 millions d’unités de faux médicaments. L’initiative a aussi mené à de nombreuses arrestations et à la fermeture de plus de 5 000 sites web soupçonnés d’encourager le commerce de médicaments contrefaits.
La lutte contre les faux médicaments se déroule globalement à travers la sphère juridique. Au Bénin, une décision légale, adoptée en début Novembre, a condamné Mohamad Atao Hinnouho, un député de l’assemblée nationale et le chef de son propre parti “Reso Atao”, à 6 ans de prison et à un amende de 3 millions Cfa (6.900CAD).
Les poursuites judiciaires contre M. Hinnouhou ne datent pas d’hier. Durant des années, les leaders ont soupçonné M. Hinnouho et sa femme, Salamatou Karimou, de participer au trafic de médicaments illicites et d’approvisionner le marché “Adjégonlè” à Cotonou. Toutefois, les preuves n’étaient pas suffisantes pour amener le couple devant la justice jusqu’à ce que le gouvernement béninois ait commencé à exécuter l’Opération Pangea avec Interpol en 2016.
L’ancien représentant de la compagnie pharmaceutique indienne New Cesamex, basée en République Démocratique du Congo (RDC), a été questionné à de maintes reprises sur la source de sa richesse. Toutefois, il a nié tout lien avec la vente de médicaments contrefaits. Il est allé jusqu’à nier avoir eu des liens avec la compagnie après avoir commencé sa carrière politique, et a affirmé que sa seule responsabilité était les locations d’entrepôts de la compagnie.
Mais d’importantes preuves jouant contre la faveur de M. Hinnouho ont été établi lorsque, dans le cadre de l’opération PANGEA, un véhicule contenant une grande quantité de faux médicaments à été arrêté dans la région où M. Hinnouho était député.
Les autorités ont associé les médicaments à M. Hinnouho et ont commencé une investigation. Au tout début, Hinnouho avait empêché les policiers d’effectuer la perquisition. Autour de la scène, ses partisans avaient bloqué la rue et le député avait appelé des membres de l’opposition pour leur dire que la perquisition échouerait. Ces appels suggèrent qu’il savait que ces elécteurs bloqueraient l’investigation policière. Ce soir là, les policiers ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas mener la perquisition avec succès. Le jour suivant, en l’absence de monsieur Hinnouho et de sa femme, les policiers ont réussi à mener une fouille de leur domicile, à travers laquelle plus de 1 000 cartons de médicaments provenant de New Cesamex ont été saisis mais “n’ont pas pu être identifiés dans les bases de données de la douane.” Les médicaments ont donc été apportées illégalement au Bénin. Ses avocats ont fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve que les médicaments étaient illicites, mais ils n’ont pas convaincu la loi. La police avait accusé le député et sa compagne d’«obstruction et entrave» et l’a informé d’une convocation, mais le député a fui hors du pays.
En cavale jusqu’à Avril, il s’est présenté en cour et a plaidé non coupable aux crimes. Après l’audience, l’avocat du député Hinnouho a raconté qu’un policier l’avait agressé et envoyé à l’hôpital. Quelques semaines plus tard, il a été transféré de l’hôpital en Cotonou à une prison. Il a perdu son immunité politique fin de juillet. Finalement, le 6 novembre, la cour a donné son verdict: un an de prison “pour rébellion contre policiers venus perquisitionner sa maison” et cinq ans pour “fraude douanière”.
Cette décision jurdique a servi de preuve que la coopération internationale contre la vente de médicaments illicites exige la volonté politique des états de planifier chacun des opérations individualisées. Par ailleurs, le désaccord entre l’accusé et les policiers démontre que le problème de faux médicaments ne pourra se résoudre sans difficultés. Pendant le procès de M. Hinnouho, le gouvernement a retiré le droit de la Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels et consommables médicaux (CAME) de distribuer des médicaments et puis “a décidé de réformer le secteur de la pharmacie”. Ces initiatives démontrent que le Bénin est un exemple de pays signalant à la scène internationale de fortes intentions d’agir contre la croissance de l’industrie de faux médicaments.
Édité par Asma Saad
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