Québec: pénurie de main d’oeuvre, la solution outre atlantique
L’économie canadienne est en pleine expansion avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3% en 2017 et un taux de chômage qui a atteint 5,4% en Mai 2019, le seuil le plus bas depuis 40 ans. Les estimations tablent sur une croissance soutenue pour le second semestre de 2019. Alors que l’avenir économique du Canada semble prospère, celui-ci cache pourtant de nouvelles difficultés. Une étude menée par la Banque Du Canada (BDC) en Septembre 2018 dresse un constat alarmant sur la pénurie de main d’oeuvre au sein du pays. Selon cette dernière, le manque de travailleurs freinerait considérablement les investissements des entreprises et limiterait les volumes de production. Le gouvernement canadien dispose pourtant de solutions pour faire face à ces besoins. En effet, l’étude préconise une augmentation du quota de travailleurs étrangers au sein du pays. Le Québec suivra t il ces recommandations dans les prochaines années ?
Au niveau national, on dénombre 434 000 postes à pourvoir dans le secteur privé. Le Québec trône au sommet des provinces en déficit de travailleurs avec actuellement 120 000 postes vacants. Les entreprises sont les premières touchées par la pénurie. Selon l’étude de la BDC, 40% de celles de petite ou moyenne taille éprouvent des difficultés à recruter du personnel et pour une sur deux cela limite la croissance.
Ce manque de travailleurs est lié à plusieurs causes. En premier lieu, le nombre important de départs à la retraite de la génération des “Baby Boomers” qui laisse de multiples postes vides dont les emplois ne peuvent être supprimés malgré l’évolution technologique et doivent donc être remplacés. D’autre part, cette pénurie survient en période de forte expansion. Le taux de croissance du PIB a doublé entre 2016 et 2017. Face à l’augmentation de la consommation des ménages, les entreprises canadiennes ont vendu davantage. Elles souhaitaient donc profiter de ce contexte économique pour investir et embaucher. La construction, la production, et la vente au détail sont les secteurs les plus en recherche de main d’oeuvre. Enfin, la démocratisation des études supérieures rend certains secteurs tels que la construction moins attrayant face à des emplois perçus comme répétitifs et dévalorisés.
L’étude précise que les entreprises ont tendance à recruter des travailleurs moins qualifiés ou plus jeunes pour palier au manque de main d’oeuvre, au lieu de recruter des étrangers. Seules 18% des entreprises en sous effectif sollicitent des salariés outre frontières. L’insertion de ces derniers sur le marché du travail Canadien permettrait pourtant aux entreprises de trouver des travailleurs qualifiés pour les postes vacants.
Malgré cela, la politique migratoire du nouveau gouvernement québécois élu en Octobre 2018 et dirigé par le premier ministre François Legault semble vague. Lors de sa campagne électorale, celui ci avait promis de baisser de 20% les seuils d’immigrants acceptés au Québec afin de favoriser une sélection francophone des arrivants. Le projet de Loi n°9 adopté en Avril 2019, “visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes” a modifié les critères d’acceptation des immigrants. Si les ressortissants étrangers souhaitant venir travailler au Québec via le Programme Réguliers des Travailleurs Qualifiés (PRTQ) se voyaient obtenir une réponse positive dans 50% des cas en 2018, entre Mars et Mai 2019 ce taux est tombé à 13%. Ainsi, des milliers de candidats français à l’immigration ont vu leurs dossiers refusés en février, dont certains vivant déjà au Québec. Le ministère a indiqué que les “critères avaient été modulés en fonction des besoins de la province”. Pourtant, les entreprises dénoncent ce projet de loi et demandent des solutions pour pallier au “besoin urgent de main-d’œuvre”. Elle critiquent par ailleurs l’importance accordée aux diplômes dans la nouvelle grille de sélection des immigrants. En effet, les postes les plus touchés par la pénurie concernent en majorité ceux qui ne requièrent pas des études postsecondaires. Or, le niveau de scolarité constitue dorénavant une mesure de sélection cruciale pour venir travailler au Québec. “Si nos besoins sont des travailleurs moins qualifiés, il faut être agile. Ce qui nous manque au Québec, c’est ce qui devrait être privilégié, plutôt que des diplômes qui ne seront pas nécessaires”, avance Alexandre Cusson, président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Les mesures du gouvernement restent donc en inéquation avec les réels besoins des entreprises.
Selon les annonces du gouvernement de monsieur Legault, la belle province devrait recevoir 40 000 nouveaux immigrants (étudiants et professionnels) en 2019, puis devrait augmenter ces quotas de 3 000 arrivants supplémentaires par année. Ainsi, entre 2019 et 2022, 170 000 immigrants arriveront au Québec. Il y a donc un contraste entre les annonces au sujet de la politique migratoire provinciale et le système actuellement mis en place. Pourtant, la réalisation des objectifs d’immigration du gouvernement Québécois permettrait d’accroître la flexibilité du marché du travail. Les recruteurs pourraient ainsi sélectionner des profils adéquats pour les postes vacants.
La croissance du Canada pourrait être sous-estimée: sans pénurie, la production et les investissements canadiens devraient être plus importants. L’immigration n’est donc pas seulement un atout mais une nécessité pour assurer une prospérité économique à long terme dans le pays, une sauvegarde des racines francophones du Québec, et une limitation des déficits publics. A l’heure où la génération du “Baby Boom” s’approche de la retraite, un gain de population active est nécessaire pour que le gouvernement puisse assurer leur financement sans aggraver le déficit national.
Edited by Salomé Moatti