Trump : à propos de déstitution…
Le 12 Août dernier, un lanceur d’alerte – dont l’identité reste secrète à ce jour – a fait part au United State Senate Select Committee (SSCI) de ses préoccupations, relatives à un échange téléphonique datant du 27 Juillet 2019 entre Donald Trump et le Président Ukrainien, Volodymyr Zelensky. Ce que le lanceur d’alerte explique dans un document classifié, et depuis rendu public, c’est que le Président Américain aurait abusé de son pouvoir en demandant à son homologue ukrainien d’ouvrir une enquête sur le fils de son principal adversaire politique Joe Biden, actuellement en pleine campagne électorale démocrate. En effet, Hunter Biden a travaillé pour un groupe gazier ukrainien en 2014, alors que son père était le vice-président de Barack Obama. Biden serait intervenu, selon les dire de Trump en demandant « au gouvernement ukrainien de virer un procureur qui enquêtait sur son fils ». L’actuel hôte de la Maison Blanche tente donc de mêler son opposant politique à une affaire de corruption, dans le but de l’écarter de la course à l’élection présidentielle 2020.
Mais le scandale ne s’arrête pas là, Trump est aussi également soupçonné d’avoir ordonné le gel de ‘400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine’, faisant ainsi pression sur le Président Zelensky.
Donald Trump, éclaboussé par ce scandale, n’a pas pu nier la réalité de cet appel, évitant ainsi d’être accusé de parjure – une erreur politique commise à l’époque par Bill Clinton. Il a même accepté de rendre public la retranscription de l’échange après que Nancy Pelosi, Présidente Démocrate de la Chambre des représentants ait annoncé l’ouverture d’une enquête parlementaire en vue de destituer le Président Américain.
Dès lors, plusieurs questions se posent : y a-t-il véritablement une infraction constitutionnelle avérée ? Donald Trump a-t-il abusé de sa position et exercé une pression caractérisée sur son homologue ukrainien en évoquant les supposées erreurs de parcours de son adversaire politique? Seule l’enquête parlementaire pourra le dire. Il est important de préciser que la retranscription de l’échange téléphonique reste incomplète sachant que la conversation est censée avoir duré 30 minutes.
L’enquête parlementaire va s’avérer décisive pour la suite de la campagne. Avec, paradoxalement, des conséquences aussi dangereuses pour l’actuel Président que pour Joe Biden, et plus largement ses confrères Démocrates.
En effet, Donald Trump, a, depuis le début de sa présidence, accumulé différentes enquêtes en tous genres le concernant. Du Rapport Mueller, qui n’a donné suite à aucune procédure de destitution par manque de preuves, à la controverse autour de l’ancien avocat de Trump, Michael Cohen, aujourd’hui en prison pour ‘fraude fiscale, fraude bancaire et violation des lois sur le financement des campagnes électorales’, Trump semble décidément « flirter » avec les polémiques judiciaires. Il a, cette fois-ci, peut être dépassé la ligne… D’autant plus que le dimanche 6 octobre, un second lanceur d’alerte s’est dit prêt à témoigner. Il aurait des connaissances plus directes et détaillées sur l’appel passé par le Président Américain.
Pour autant, rien n’indique, pour le moment, que ces nouveaux rebondissement lui soient nécessairement fatals sur le plan politique. Son parti semble se tenir derrière lui, à l’exception de Mitt Romney, seul leader du parti Républicain qui se risque à le critiquer, et s’est d’ailleurs fait lyncher par le Président lui même sur Twitter. Son socle électoral demeure extrêmement solide et le président bénéficie d’un soutien toujours très important parmi les électeurs républicains, peu enclins à lui tourner le dos. Trump a notamment amassé cinq millions de dollars suite à une levée de fonds lancée après l’annonce de la procédure de destitution.
L’impact de l’enquête est donc très aléatoire : si elle s’avère non concluante – ce qui reste possible – elle renforcerait l’unité d’une « Amérique rouge », plus rassemblée que jamais. Cela servirait en outre la stratégie de « victimisation » de Donald Trump, toujours prompt à dénoncer une « chasse aux sorcières de caniveau », en ciblant résolument le camp démocrate. Ainsi, lorsque Nancy Pelosi annonce le lancement de cette enquête, Trump prend les Américains à témoins en déployant un argumentaire sur son compte Twitter, avec pour slogan : ‘While Democrats “sole focus” is fighting Trump, President Trump is fighting for you’ (Alors que les Démocrates ont pour “unique objectif” de se battre contre Trump, Trump se bat pour vous”).
Rappelons également que la destitution d’un Président, n’a jamais eu lieu dans l’histoire des États-Unis. Pour ce faire, le Sénat, aujourd’hui à majorité Républicaine doit approuver cette décision aux deux tiers, scénario qui demeure fortement improbable.
La tactique de Donald Trump va sans doute consister à détourner l’attention sur son adversaire, point de départ de cette enquête. L’investigation lancée par Nancy Pelosi, pourrait ainsi impacter Joe Biden, favori de la primaire démocrate mais lui aussi soupçonné de corruption. Ce possible « backlash » contre le parti démocrate explique d’ailleurs les réticences jusqu’alors exprimées par la Présidente de la Chambre des représentants à déclencher une « bataille judiciaire » contre le Président Américain.
Si les Démocrates ne parviennent pas à destituer Trump, les États-Unis vont être, plus que jamais divisés : si une partie de l’électorat Républicain se réunit autour du Président actuel, l’Amérique Bleue, risque, elle aussi de se réunir et d’affirmer ses positions en votant contre Trump lors des élections Présidentielles.
Donald Trump fragilisé par une procédure « d’Impeachment », Joe Biden menacé de devoir s’expliquer, c’est peut-être Elizabeth Warren qui, au sein du parti démocrate, pourrait finalement tirer bénéfice de ce contexte délétère, succédant ainsi à Hillary Clinton, candidate Démocrate face à Trump en 2016…
Edited by Elias Lemercier